• LE TRAIN BLEU

     

     

    En ce début d’été, le train de nuit Paris-Vintimille est bondé. Chaque voyageur rêve de mer et de soleil. Les enfants sont excités, les parents fatigués. Le silence finit par s’imposer, le roulis du train berce les derniers insomniaques.

    Au wagon restaurant, on annonce la fermeture du bar. Une femme, la quarantaine, vêtue d’une robe rouge à pois blanc quitte Maigret en refermant son livre à regret. Elle salue deux hommes venus passer une soirée solitaire avec un bon verre de vin. Le premier en bermuda à fleurs et espadrilles termine tranquillement son breuvage avant de regagner son compartiment et retrouver femme et enfants. Le second en costume froissé chantonne un air de Chopin et part rejoindre en titubant le représentant de lingerie féminine avec qui il partage son compartiment. Dans les couloirs des wagons il s’imagine suivre une farandole de sous vêtement affriolants le menant vers une créature aux formes pulpeuses. Arrivé devant le compartiment, il s’accroche à la poignée et sur un sol majeur, l’ouvre avec énergie. Il bute sur un corps allongé au sol et tombe en chantant le dernier accord d’une valse. Le représentant le fixe avec des yeux révulsés d’horreur, un bas résille enfoncé dans la bouche. Il ne respire plus.

    Instantanément dégrisé, Boris se relève, enjambe le corps, inspecte les lieux, aucun bagage ne manque. Il repart dans les couloirs, poursuivi par une ribambelle de bas résilles noirs sur l’air de la danse macabre de Saint-Saëns. Il trouve enfin le contrôleur et lui raconte sa mésaventure.  

    Sans se démonter le contrôleur propose à Boris de changer de compartiment, il reste une place dans celui de la redoutable Denise. Dans la tête de Boris retentit l’Alléluia de Haendel. Après avoir accompagné Boris, Marcel se dirige vers le compartiment de Jacqueline, une détective privée passagère habituelle de ce train. Epouse d’un commissaire de police qu’elle rêve de seconder, elle se forme en lisant les enquêtes de Maigret. On peut compter sur sa discrétion, elle a déjà résolu des situations complexes lors de trajets antérieurs.

     Cette dernière déambule dans les couloirs essayant de démêler l’intrigue du dernier roman de Georges Simenon « l’amie de Madame Maigret ». Heureuse de pouvoir passer aux travaux pratiques elle lâche son livre pour suivre Marcel sur les lieux du crime.

    Après l’avoir remercié elle s’enferme dans le compartiment, se penche sur le cadavre espérant découvrir les causes du décès. L’homme est grand, costaud, blond, la quarantaine, bien entretenu. Toutefois une légère tache rouge apparait sur sa chemise au niveau du cœur. Jaqueline poursuit ses investigations à la recherche d’indices. Sur le col de la chemise un cheveu brun frisé s’est égaré, un bas résille noir obstrue la gorge, un papier griffonné git sur le lit. Les bagages sont intacts. Jaqueline ouvre une valise, des bas, des corsets, une lingerie luxuriante à faire rêver une femme de commissaire, se répand sur le sol.

    De son côté Boris finit par s’endormir bercé par le train et le boléro de Ravel. Ses rêves sont agités, Il court dans la nuit noire, la frontière n’est pas loin mais un agent du KGB prêt à le renvoyer dans un goulag au fin fond de la Sibérie le talonne. Il sent une main sur lui, se réveille en hurlant, une lampe l’éblouit.

    « Vous n’êtes pas Robert.

    -      Non je suis Boris. Et que lui voulez-vous à Robert ?

    -Je l’attends avec un corset Rose dernier cri qu’il m’a réservé. L’essayage était prévu à 1heure. J’en ai vraiment besoin, j’ai un rendez-vous de la plus haute importance. La lingerie de Robert me donne de l’assurance au cas où je dusse me servir de mes charmes.

    -Moi, pour faire abdiquer une femme je préfère pianoter sur son corps dénudé, monter des gammes en douceur, accélérer le tempo, laisser s’intensifier le plaisir jusqu’à l’explosion de l’extase finale.

    -Assez de balivernes, il vous faut quitter ce compartiment, Robert va arriver.

    - Robert ne viendra plus jamais, il s’est envolé pour un autre monde. Je ne sais pas qui l’a aidé mais il ou elle ne l’a pas raté. Il git dans son compartiment en compagnie de la meilleure enquêtrice du train bleu. Mais au fait que savez-vous de cet homme ?

    La porte s’ouvre laissant Denise bouche bée, Jaqueline pénètre dans le compartiment tenant à la main le carnet de rendez-vous de Robert. Après une discussion assez vive elle apprend que Robert faisait marcher son commerce pendant la nuit dans le train bleu. Les clientes viennent le voir à tour de rôle dans sa chambre et quand il n’a pas pu obtenir un compartiment solo il se rend auprès de ses dames. Les maris ou les amants sont-ils jaloux ?

    Puis Jaqueline fait le tour des clientes. Marcel, le contrôleur se repasse le film de la soirée espérant y trouver un détail insolite. Boris rumine sa conviction de la présence d’un agent du KGB parmi les passagers.

    La rumeur commence à circuler dans le wagon puis fait le tour du train, elle s’enfle tant et si bien qu’avant d’arriver à Valence la moitié des passagers veut changer de train. Tout le monde épie tout le monde, plusieurs personnes sont convaincues que l’assassin est dans le compartiment d’à côté. Marcel prend les choses en main et fait le tour des chambres pour calmer et rassurer chacun. Au passage il découvre que Robert est célèbre parmi les habitués du train. Tout le monde a quelque chose à raconter. Certains le décrive comme un séducteur dont les femmes doivent se méfier ; sous prétexte d’essayage de dessous de luxe il en profite pour se rincer l’œil et peut-être plus. Il disait aimer caresser la soie et le satin mais surement aussi la peau tendre des jeunes femmes. Les femmes l’apprécient ; c’est un homme qui comprend leur désir de plaire à leur mari ou amant, aussi sait il mettre les corps en valeur pour attiser le feu de l’amour. Mais Marcel ne récolte aucun renseignement sur la vie privée de Robert, était-il mariée ?

    Jacqueline de son côté a trouvé la propriétaire du cheveu brun frisé recueilli dans le cou de Robert. Joséphine, la trentaine, brune aux yeux bleus partage un compartiment avec son mari et ses deux enfants. Elle a découvert la lingerie de Robert grâce à une amie. Porter des dessous un peu coquins lui a rendu son âme de femme depuis qu’elle est devenue mère. Et cela enchante son mari. Elle était dans la cabine de Robert vers 11h en plein essayage quand quelqu’un a frappé de manière un peu brutale après avoir tenté d’ouvrir la porte avec vigueur. Elle a entendu une voix d’homme avec un accent étranger qui cherchait un pianiste russe avec qui il avait soi-disant rendez-vous. Robert l’a éconduit en lui disant d’aller voir ailleurs. Une odeur de vodka mêlée à un relent de sueur froide imprégna l’espace après le passage de cet indélicat personnage.

    Il y a des russes dans le train, intéressant se dit Jaqueline en dépliant le papier froissé trouvé sur le lit de la victime, il est couvert de signes cyrilliques autant dire c’est du chinois. Elle rejoint Marcel pour lui demander la liste des passagers d’origine russe. Elle découvre que si Boris est arrivé depuis peu en France, Denise est la petite fille d’un comte Russe exilé dans les années 20. D’après Marcel c’est une femme d’affaires à la réputation douteuse qui n’a pas froid aux yeux. Le bruit circule que son père, négociant en diamants a été victime d’un escroc infiltré parmi son personnel domestique. Il se serait suicidé après avoir été dépouillé du contenu de son coffre-fort. « En début de soirée Denise était pompette elle m’a confié qu’elle était sur une piste mais je ne l’ai pas cru ; elle fait le trajet Paris Vintimille tous les 15 jours, elle achète un corset à chaque voyage, elle doit en avoir une collection phénoménale ! » rajouta Marcel.

    « Allons les voir », dit l’apprentie enquêtrice « et voyons si elle peut nous traduire le billet trouvé près du mort ».

    Dans le couloir ils rencontrent Boris, ce dernier leurs traduit le billet « C’est ton dernier voyage. Tu es grillé », puis rajoute « allons dans un endroit plus tranquille j’ai des révélations à vous faire. Boris leur explique que sous la couverture d’un pianiste russe il est en vérité enquêteur pour la compagnie Assurancetourix qui a assuré les bijoux volés lors du casse d’Anvers. Il file Robert depuis plusieurs mois et pense qu’il est un maillon de l’écoulement des diamants. « Travaillez-vous en solo ou avez-vous un partenaire sur ce voyage ? » l’interroge Jacqueline.

    - Je travaille seul Pourquoi ? 

    -connaissez-vous Joséphine ?

    -Ce nom ne me dit rien. Mais est-ce son vrai nom ? J’ai l’impression que certaines de ses clientes sont des passeuses de diamants. Les diamants sont-ils cachés dans la lingerie ? Avez-vous fouillé dans ses bagages ?

    -Retournons dans son compartiment. »

    Ils trouvent la porte de compartiment déverrouillée et constatent l’absence d’une valise au moment où le train arrive à Marseille.

     

    Chers lecteurs, maintenant à vous de trouver l’assassin en 


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